"L’analyse concurrentielle consiste à réaliser un audit des produits de vos concurrents"
(Lallemand & Gronier, 2015). Cette analyse vous permet d’identifier ce que font vos concurrents : déterminer, par exemple, les tendances en termes de design dans votre secteur, le tone of voice utilisé par un concurrent qui a la même cible d’utilisateurs, l’organisation du contenu d’une fiche produit pour un produit similaire au vôtre…
Dans cet article, nous vous encourageons à aller plus loin : intégrer le point de vue des utilisateurs dans votre démarche en réalisant un benchmark UX au lieu d’une simple analyse concurrentielle. C'est à partir des expériences respectives de nos expertes que nous vous exposons les avantages à réaliser un benchmark UX et que nous vous donnons des conseils pour intégrer efficacement les utilisateurs à votre projet.
1 - Des idées sexy ou innovantes chez vos concurrents peuvent s’avérer mauvaises pour les utilisateurs.
Camille : En réalisant une analyse concurrentielle, on peut identifier chez ses concurrents des idées qui semblent innovantes, sexy, voire qui pourraient donner un petit effet “wow”. L’erreur serait alors de vite les copier, sans vraiment savoir ce qu’en pensent les utilisateurs. N’oubliez pas que vous n’êtes pas vos utilisateurs : vous avez une vision différente de vos concurrents, de votre secteur et même du web en général. Pour s’assurer que cette idée “sexy” l’est vraiment, la solution est de la tester avec des utilisateurs cibles !
J’ai récemment conduit une étude sur un site de pièces automobiles qui cherchait justement à se comparer à un de ses concurrents “innovants”. Au lieu d’une page d'accueil “classique”, le concurrent proposait une présentation immersive de ses produits. L’utilisateur arrivait sur une animation 3D qui présentait les différents avantages des produits. L’idée semblait géniale pour mes clients, quoi de mieux pour attirer l'œil et pour présenter succinctement ses arguments de vente ? Ils étaient sûrs que c’était une idée à laquelle il fallait s’intéresser. Nous l’avons alors testée. 🤔
Nous avons demandé à des utilisateurs cibles de naviguer sur cette page d'accueil immersive. Le résultat était sans appel :
- Ils n’ont pas compris comment naviguer sur la page
- Ils ont eu du mal à comprendre ce que proposait le site
- Et surtout à retenir ce qui leur avait été présenté
Dans cet exemple, une présentation “plus classique” permettait aux utilisateurs cibles de voir tous les arguments de vente et de pouvoir les retenir et les lire en diagonale.
Lèna : Autre exemple, vous souhaitez revoir le tone of voice (le ton utilisé) de votre produit et votre image de marque de manière plus générale. Vous avez fait une analyse concurrentielle de votre côté et vous vous êtes aperçu que vos concurrents avaient presque tous des manières de faire différentes : certains présentent les informations très formellement, de manière très structurée avec une charte graphiquement plutôt froide, tandis que d’autres utilisent des émojis, des animations et un ton globalement plus léger, presque familier. Pourtant, le produit vendu est similaire et les informations contenues dans les pages aussi.
Comment alors se positionner ? 🤔 Demandez à vos utilisateurs cibles de naviguer sur l’une ou l’autre des interfaces concurrentielles et évaluer les perceptions des utilisateurs en posant les mêmes questions pour tous les parcours (ressenti général, compréhension, sentiment de confiance…). Vous pourrez ainsi évaluer les conséquences du tone of voice utilisé sur le ressenti des utilisateurs. Les résultats seront comparables et vous permettront de tirer votre conclusion.
2 - Vos collègues ont besoin de chiffres pour vous croire : votre benchmark UX est une bonne occasion de prendre des métriques.
Camille : En ne vous reposant que sur des tests utilisateurs qualitatifs non-modérés (tests vidéos), il est possible que vous ayez des difficultés à déterminer lesquels de vos concurrents est le meilleur et comment vous positionner face à eux. C’est le cas quand vous détectez des problèmes d’utisabilité sur tous les parcours, par exemple. Ou à l'inverse, vous n’en détectez aucun. Comment savoir de quel parcours s’inspirer ? Le benchmark UX est une bonne occasion pour prendre des métriques afin de comparer rigoureusement et statistiquement les différents acteurs.
Vous pouvez vous appuyer sur différentes données quantitatives pour comparer les acteurs :
- Des données (objectives) observables : nombre de liens cliqués dans un menu avant de trouver la bonne page, nombre d’erreurs commises sur des formulaires d’inscription similaires…
- Des mesures (subjectives) de l’expérience utilisateur à partir d’échelles de mesure : sur les intentions d’usage d’un produit, sur sa facilité d’utilisation perçue, sur l’attractivité d’une page en particulier… Certaines échelles standardisées vous permettent des mesures globales. Certaines ont d’ailleurs été traduites en français et validées scientifiquement. Par exemple, l’AttrakDiff permet de mesurer l’expérience utilisateur sur 4 dimensions (qualité pragmatique, qualités hédoniques et attractivité). De la même manière, le System Usability Scale (SUS) permet d’obtenir un score d’utilisabilité perçue à partir de 10 items.
Vous devez vous assurer d’avoir suffisamment de répondants pour chaque acteur afin d’obtenir des données robustes et de pouvoir comparer les résultats avec fiabilité. Nous conseillons 40 répondants par acteur (source article NNgroup). Il faudra ensuite choisir vos tests statistiques en fonction du type de données recueillies (t-tests, Khi²…).
💡 N’oubliez pas d’inclure votre produit dans les acteurs testés, ce serait dommage de savoir lequel des sites de vos concurrents est jugé le plus facile d’utilisation, sans savoir si vous faites mieux ou moins bien qu’eux !
Lèna : Vous pouvez également associer des données qualitatives à vos données quantitatives pour expliquer les résultats obtenus. Par exemple, si vous avez évalué les intentions des utilisateurs à retourner sur un site. Vous pouvez ajouter des questions ouvertes en leur demandant de préciser ce qui leur donnent envie de revenir sur le site et au contraire ce qui ne leur donne pas envie d’y revenir. Vous pourrez ainsi identifier pour chaque acteur des facteurs d’acceptation et des freins à l’utilisation de leur produit.
De la même manière, pour être en mesure d’expliquer et d’illustrer les différences entre les différentes expériences que vous aurez évaluées, vous pouvez compléter vos tests quantitatifs avec des tests qualitatifs (Pourquoi associer tests quantitatifs et qualitatifs), par exemple en conduisant quelques tests utilisateurs non-modérés. Les tests vidéos pourront vous aider à déterminer que si l’acteur C a de meilleurs résultats concernant le design de sa page produit, c’est parce que les testeurs apprécient tout particulièrement la vue à 360° du produit, sur laquelle ils cliquent spontanément.
💜 Nos conseils pour faire un benchmark efficace avec des utilisateurs :
Concernant le choix des acteurs
- Limiter le nombre d’acteurs : si les testeurs voient plusieurs sites, pour ne pas allonger à l'infini les tests et les fatiguer. Pensez également à vous : plus vous aurez d’acteurs ou plus le parcours testé sera long, plus les données à analyser seront importantes !
- Prévoir un temps de navigation égal entre les différents acteurs : pour ne pas avantager / désavantager l’un des acteurs.
- Intégrer son propre site / produit au benchmark UX : pour pouvoir se positionner face à ses concurrents.
Concernant la construction de vos tests
- Prendre en compte le profil des utilisateurs : pour nuancer leurs retours (ex. s’ils sont clients de l’acteur X, sont-ils des clients satisfaits ou ont-ils été déçus de…) et pour faire des analyses différenciées (ex. l’acteur A est plus adapté pour des testeurs possédant déjà une assurance-vie).
- Prendre en compte ses compétences UX et statistiques : n’hésitez pas à demander conseil autour de vous pour vous assurer qu’il n’y a pas de biais dans la formulation de vos consignes. Choisissez votre méthodologie en fonction de ce que vous êtes sûr.e de savoir traiter (ex. Si vous n’êtes pas sûr.e de savoir interpréter les résultats d’un AttrakDiff, choisissez un outil avec lequel vous vous sentez plus à l’aise).
Concernant les utilisateurs
- Si vous fonctionnez avec plusieurs groupes d’utilisateurs, avoir des profils d’utilisateurs comparables pour chaque vague de tests : pour éviter que les différences intrinsèques de chaque groupe influent sur les résultats.
Concernant les parcours
- Avoir exactement le même parcours chez chaque acteur : pour pouvoir comparer des choses comparables (ex. 2 pages de produits de canapés convertibles).
- Tips expert : Limiter le nombre d’éléments testés et le nombre de questions posées (ne poser que des questions qui répondent à vos objectifs) pour avoir un test plus efficace ! Par exemple, pas besoin de poser des questions sur une page qui n’existe que chez un seul de vos concurrents.
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Présentation des expertes
Camille Sagnier : Senior Product UX Researcher chez Testapic. Elle a réalisé une thèse en ergonomie sur l’acceptabilité de la réalité virtuelle dans l’industrie aéronautique soutenue en 2019. Elle a commencé sa carrière dans l’UX research chez Testapic en 2020 en réalisant des études pour des clients. En 2021, elle rejoint le pôle recherche produit pour travailler sur la plateforme Testapic.
“Ce que j’aime dans la recherche UX c’est l’idée creuser l’écart entre le prescrit, c’est-à-dire la façon dont une expérience a été pensée lors de la conception, et le réel, c’est-à-dire la façon dont les utilisateurs utilisent vraiment le produit, ce qu’ils ressentent etc., ce qui peut être à l’exact opposé de ce qui avait été pensé. L’originalité de mon poste actuel c’est que j’ai ce côté méta en plus, puisque je fais de la recherche utilisateur pour des personnes qui font elles-mêmes de la recherche utilisateur sur un produit que j’utilise moi-même (la plateforme Testapic). Ça demande de totalement oublier ce que je fais moi-même avec le produit.”
Lèna Petrone : UX researcher chez Testapic. Diplômée d’un master en Sciences cognitives, elle a intégré depuis 2020 l’équipe Testapic en tant qu’UX researcher.
“Faire des études utilisateurs permet de se rapprocher au plus près l’utilisateur, de sa manière d’utiliser l’interface, de réfléchir et être porteur de ses retours. Pour chaque nouveau projet, les attentes, les méthodologies, les cibles et les résultats sont toujours différents et pertinents à étudier. C’est ce qui me plaît dans ce poste.”
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➡️ Le Benchmark : méthodes possibles et bénéfices
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